« Au Burkina, il y a un grave problème de diététique, les patients souffrent du manque de suivi nutritionnel », Yasmine Zerbo, diététicienne
Notre interviewée du jour est une jeune femme très spéciale qui, certainement fera beaucoup parler d’elle. Nutritionniste diététicienne, spécialiste de la prise en charge nutritionnelle des maladies chroniques telles que l’hypertension artérielle, l’obésité, le diabète et le cancer, Yasmine Zerbo est rentrée au Pays en 2016, après de brillantes études au Bénin. Très motivée et surtout passionnée par son travail, elle vous convainc dès le premier contact sur la maitrise de son sujet. Dans cet entretien, Yasmine Zerbo lance un cri de cœur aux autorités afin de sauver les patients hospitalisés du manque de suivi nutritionnel faute de diététiciens.
Quelle différence y a-t-il entre diététique et nutrition ?
La nutrition est vaste. Il y a la nutrition humaine, communautaire et clinique. La diététique c’est la nutrition clinique. Les nutritionnistes eux, ils font l’étude approfondie des aliments. Le diététicien lui c’est le seul professionnel de santé capable de travailler dans les hôpitaux, parce que sa formation est purement clinique. Et c’est le diététicien qui utilise la table de composition des aliments pour calculer la valeur nutritive des aliments et des menus. C’est le diététicien qui se sert de l’aliment pour composer un menu pour toutes les personnes bien portantes ou malades, c’est le diététicien qui assure le suivi des personnes malades, des diabétiques des hypertendus, des hémodialysés, des cancéreux, il s’occupe encore de l’éducation nutritionnelle des personnes bien portantes telles que les enfants, les adolescents, les adultes, les personnes âgées, les femmes enceintes, les femmes allaitantes.
Le diététicien est -il un professionnel indispensable en milieu hospitalier ?
Absolument. Mais malheureusement la diététique n’est pas trop connue au Burkina parce qu’on ne trouve pas les diététiciens dans les centres hospitaliers or les diététiciens sont indispensables dans les structures hospitalières pour lutter contre la dénutrition hospitalière. On peut dire qu’elle est développée en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Mali, mais ici, il n’y a pas de diététicien. Le seul diététicien que j’ai connu, c’était monsieur Jean-François ZERBO qui est allé à la retraite depuis 2000, qui a été réquisitionné deux fois par l’hôpital Yalgado parce qu’il y avait un manque de compétence. Il a plusieurs fois réclamé à l’État burkinabè d’envoyer des jeunes se former sur la diététique et venir prendre la relève. Et je crois que je suis une relève et j’espère qu’un jour l’État burkinabè, le ministère de la santé prendra conscience de la dénutrition hospitalière dans les structures hospitalières plus précisément à Yalgado où beaucoup de patients meurent par manque de soutien nutritionnel. C’est vrai que le traitement médicamenteux joue un grand rôle, mais l’alimentation joue aussi un grand rôle.
Expliquez ce qu’est que la dénutrition hospitalière
La nutrition hospitalière, c’est faire l’état nutritionnel de chaque patient, composer des régimes, aider la cuisine à composer les menus en fonction des pathologies, s’assurer que la cuisine a respecté les doses et c’est le diététicien qui part ensuite administrer aux patients.
Mais jusqu’ici au Burkina, en réanimation, il y a un grave problème de diététique, les patients souffrent de dénutrition. Et moi Je me suis spécialisée en nutrition entérale et parentérale où j’ai même proposé un produit local pour lequel j’ai fait ressortir la valeur microbiologique, la valeur physicochimique, la valeur nutritionnelle, et dont je suis en train de faire l’agrégation pour pouvoir aider les patients. Par exemple le diététicien est indispensable dans une structure hospitalière surtout en réanimation pour aider la renutrition des patients sur leur lit
La formation pour un diététicien se fait donc à l’extérieur ?
Je n’ai pas encore vu ici. Pour le moment, le Burkina ne parle pas de la diététique. Jusqu’à présent on n’a pas encore de diététiciens dans les centres hospitaliers pour lutter contre la dénutrition hospitalière. Mon rêve c’est de voir un Burkina sans maladie chronique, sans malnutrition.
« SUR QUATRE PATIENTS HOSPITALISÉS DEUX SOUFFRENT DE DÉNUTRITION HOSPITALIÈRE. LA PLUPART MEURT PAR FAUTE DE SUIVI NUTRITIONNEL »
En tant que diététicienne avertie pourquoi n’attirez-vous l’attention des autorités sur la situation de manque de diététiciens que connaissent nos hôpitaux ?
J’ai fait ce que je pouvais ! J’ai même été volontaire à l’hôpital Yalgado, mais jusqu’alors je n’ai pas encore eu de retour. Je me suis installée à Yalgado en néphrologie, en pédiatrie, mais là j’ai préféré aller en privé parce que je n’ai pas eu gain de cause. Jusqu’alors l’État ne pense pas recruter des diététiciens. Je ne sais pas si c’est une négligence, mais j’ai espoir que cela viendra. Malheureusement au Burkina on fixe le regard sur la communauté et on oublie l’hôpital, on oublie, la clinique. C’est vrai c’est bon d’aider pour les problèmes communautaires, mais n’oublions pas aussi qu’en milieu hospitalier, les patients ont aussi besoin de suivi nutritionnel.
Franchement, c’est un cri de cœur que je lance au gouvernement, au ministère de la santé, d’y penser, de sauver les structures hospitalières au Burkina. Sur quatre patients hospitalisés deux souffrent de dénutrition hospitalière. La plupart meurt par faute de suivi nutritionnel, le traitement médicamenteux ne suffit pas il faut encore un suivi nutritionnel.
« CONSOMMONS CE QUE NOUS PRODUISONS, CONSOMMONS BIO POUR ÉVITER LES MALADIES »
Quand on dit diététique les gens pensent aux régimes pour maigrir. Quel commentaire avez-vous par rapport à cela ?
(Rires) Tout le monde a besoin d’un régime spécifique adapté à la pathologie, adapté à ses choix, adapté à ses préférences en fonction des produits locaux, qu’il s’agisse de personnes bien portantes (enfants, adultes, adolescents, personnes âgées, femmes enceintes, femmes allaitantes) ou malades. Le plus important à retenir c’est de consommer local. Consommons ce qu’on a, consommons bio pour éviter les maladies.
Propos recueillis par Roseline SOMA
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